Garantir aux demandeurs et demandeuses d’asile la possibilité de voir leur demande examinée dans le pays de l’Union européenne de leur choix
Condition n° 1 : le principe de non-refoulement garanti par l’article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 doit être respecté pour toute personne en quête de protection
Le principe de non-refoulement impose d’accueillir les personnes étrangères se présentant à la frontière avec un examen individuel, raisonnable et objectif de leur potentielle demande d’asile. Ces personnes en quête de protection doivent pouvoir circuler librement dans le plein respect des droits humains et du droit d’asile.
Condition n° 2 : permettre aux personnes d’accéder de manière sûre au territoire européen aux fins de demande d’asile
Toute personne doit pouvoir accéder au territoire européen pour demander l’asile, par voie terrestre ou maritime, sans risquer sa vie. Des moyens et les voies légales le permettant doivent être développés. Les programmes de réinstallation ne doivent pas servir de prétexte pour refuser le dépôt d’une demande d’asile sur le territoire de l’Union. L’externalisation de la procédure d’asile est à exclure dans la mesure où les garanties en matière de respect des droits de l’Homme sont insuffisantes dans les pays de transit ou dans les zones proches des pays de départ (Turquie, Libye, Niger, Tchad). La notion de « pays tiers sûr » ne doit pas être introduite dans la législation française et doit disparaître de la législation européenne. Cette notion est instrumentalisée par les États membres pour justifier les pratiques de refoulement des demandeurs et demandeuses d’asile vers des pays ne respectant pas le droit d’asile et l’interdiction de traitements inhumains ou dégradants.
Condition n° 3 : le libre choix du pays d’asile par la personne demandant l’asile
Le système de responsabilité d’un État membre de l’Union européenne pour l’examen d’une demande d’asile qui découle du règlement « Dublin » doit être profondément revu : le principe doit être que la demande est examinée dans le pays du choix de la personne. Sans déroger à ce principe, la solidarité entre États membres devrait être renforcée et véritablement effective afin d’assurer l’équité des procédures, un haut niveau de protection et des conditions d’accueil dignes. Tant que ces conditions ne sont pas réunies, les transferts doivent être suspendus et la clause de souveraineté appliquée à toutes les personnes susceptibles de se voir placées en procédure « Dublin ». La première proposition de la Commission européenne en vue de l’adoption d’un nouveau règlement dit Dublin IV va dans le sens inverse de ces recommandations et laisse présager la mise en place d’un système encore plus défavorable pour les personnes en procédure « Dublin ».
Garantir les conditions pour un examen de qualité des demandes de protection
Condition n° 4 : une application pleine et entière de la convention de Genève du 28 juillet 1951
La France et l’Union européenne doivent adopter une interprétation pleine et entière de la définition de la personne réfugiée par la convention de Genève. La protection subsidiaire ne peut s’appliquer qu’aux demandes ne relevant pas du champ de cette convention et ne doit pas se substituer à la protection qu’offre cette dernière.
Condition n° 5 : une procédure « nécessitant des garanties effectives et un traitement adapté »
Dès qu’une personne demandant l’asile se présente à l’autorité compétente, sa demande d’asile doit être enregistrée sans délai. Elle doit alors recevoir une information relative à ses droits et obligations dans une langue qu’elle comprend, ainsi qu’un document de séjour valable durant toute la durée de la procédure, en limitant les démarches liées à son renouvellement. Toute personne en demande d’asile doit pouvoir voir sa demande de protection examinée avec attention et de manière approfondie. Elle doit être entendue et assistée d’un conseil et d’un interprète à chaque étape de la procédure d’asile. Elle doit, en ce sens, pouvoir bénéficier d’une assistance juridique financée par l’État pour l’accompagner dans l’instruction de sa demande d’asile à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). De plus, elle doit avoir un accès systématique à tous les éléments de procédure (comptes rendus, observations, sources des informations utilisées pour l’instruction) et doit pouvoir bénéficier d’une défense effective. La procédure de demande d’asile doit être équitable quelle que soit la situation géographique, économique ou sociale de la personne. À ce titre, l’usage de la visio-conférence par l’Ofpra et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) doit prendre fin. La notion de pays d’origine « sûr » et le recours aux procédures accélérées doivent également être supprimés. L’État doit prendre en charge les frais de procédure que sont, par exemple, la traduction de documents, la présence de conseils ou encore les transports.
Condition n° 6 : un recours effectif et suspensif pour toutes les demandes d’asile
La personne demandant l’asile doit pouvoir bénéficier d’un recours suspensif à la CNDA, quelle que soit la nature de la décision de l’Ofpra, afin de garantir son droit à un recours effectif. Elle doit pouvoir disposer d’un délai d’au moins 1 mois pour former son recours. Il est également nécessaire qu’un délai suffisant lui soit donné afin qu’elle puisse préparer son audience, à laquelle elle doit pouvoir être présente.
Condition n° 7 : la prise en compte des risques encourus par les débouté
e s du droit d’asile en cas de retour dans leur pays
Certaines personnes déboutées de l’asile se retrouvent dans une situation inextricable : elles craignent avec raison pour leur intégrité physique ou morale en cas de retour dans leur pays et l’administration française souhaite les éloigner du territoire par la force. Leurs demandes d’asile doivent être réexaminées ou leurs situations régularisées, notamment au regard du respect de leurs droits fondamentaux. Elles doivent pouvoir bénéficier du droit à l’hébergement d’urgence qui doit garder un caractère inconditionnel.
Garantir les droits des demandeurs et demandeuses d’asile et des personnes bénéficiaires d’une protection
Condition n° 8 : un accès immédiat aux soins, à la langue, au marché du travail et à la formation
L’autonomie des personnes doit être garantie et favorisée tout au long de la procédure de demande d’asile. Les politiques publiques actuelles qui ne permettent l’accès aux droits favorisant l’autonomie des personnes qu’une fois la protection obtenue doivent être révisées. Ainsi, l’accès à l’apprentissage de la langue française doit être immédiat et assuré par des professionnel
le s qualifié e s dans le cadre d’un dispositif public financé. Le droit au travail, sans opposabilité de la situation de l’emploi, comme l’accès aux études et à la formation professionnelle doivent être effectivement ouverts aux personnes en cours de procédure. La scolarisation des enfants doit également être assurée. Enfin, au regard des motifs de départ et des parcours traumatiques pour de nombreuses personnes sollicitant une protection, l’accès à la prévention (y compris un bilan de santé librement consenti) et aux soins, notamment en matière de santé mentale, doit être effectif, avec le développement de solutions d’interprétariat médical. La globalité et la continuité des soins doivent être assurées.
Condition n° 9 : des conditions de vie dignes dans le respect du choix des demandeurs et demandeuses d’asile
En métropole comme dans les départements et les territoires d’outre-mer, toutes les personnes demandant l’asile doivent bénéficier des conditions matérielles d’accueil dès la présentation de leur demande et pendant toute la procédure (allocation pour demandeur d’asile – ADA –, centres d’accueil des demandeurs d’asile – Cada – et couverture maladie). Un accompagnement administratif, social et juridique de qualité doit être proposé. La personne demandant l’asile doit pouvoir choisir librement son mode de prise en charge et son lieu d’installation sur le territoire sans que cela ait d’impact sur l’allocation qu’elle peut recevoir. Des conditions d’hébergement et d’accompagnement dignes sont nécessaires au bon examen de la demande d’asile et à l’insertion des personnes qui seront protégées. L’allocation pour demandeur d’asile doit être revalorisée afin de permettre de vivre dignement.
Condition n° 10 : les conditions d’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile ne doivent pas porter atteinte à la liberté des personnes
Le droit à l’hébergement et à l’accompagnement social ne peut se confondre avec les mesures coercitives et privatives de liberté. Les dispositifs d’hébergement ne peuvent donc en aucun cas préparer et faciliter l’expulsion des personnes étrangères. À ce titre, les dispositifs dédiés de préparation au retour, les centres d’hébergement où peuvent être interpellées et assignées à résidence les personnes exilées sont, par les volets coercitifs et privatifs de liberté qu’ils comportent, en contradiction avec les actions relevant de l’action sociale auprès des personnes en besoin de protection.
Condition n° 11 : le renforcement des droits des personnes protégées
L’insertion des personnes protégées par l’Ofpra ou la CNDA doit être soutenue par des mesures adaptées pour l’accès aux droits économiques, sociaux et culturels notamment l’évaluation en vue de la reconnaissance des diplômes et de l’acquis professionnel dans le pays d’origine. L’accès à l’emploi et au logement doit être facilité. Les documents d’état civil et la carte de séjour doivent être remis rapidement à la personne protégée. La logique de protection doit primer sur toute suspicion en matière de réunification familiale. Cette procédure doit être simplifiée et transparente. Il est nécessaire de garantir la liberté d’installation des personnes protégées dans l’ensemble des États membres de l’Union. La demande de visas pour les familles bénéficiaires d’une protection doit être instruite rapidement.
Condition n° 12 : une prise en charge effective des mineur
e s non accompagné e s
Parce qu’ils et elles sont placé
e s dans une situation de grande vulnérabilité, les mineur e s non accompagné e s nécessitent la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial. Avant toute évaluation, leur mise à l’abri doit être assurée et leurs besoins fondamentaux satisfaits. Pour apprécier l’âge et, donc, la minorité de l’enfant, le principe déclaratif doit prévaloir sur toute autre considération au nom du respect de la présomption de minorité. Quand l’enfant est en possession d’un acte de naissance ou d’une pièce d’identité, ces éléments doivent être la référence pour déterminer cette minorité, notamment en excluant les tests osseux. Dans tous les cas, le doute doit lui bénéficier. Tout e mineur e doit être mis e en capacité de faire valoir ses droits, notamment celui de demander l’asile, devant des juges, et de bénéficier d’un administrateur ou d’une administratrice ad hoc. Tout e mineur e doit avoir accès à la scolarité.Garantir le droit à l’assistance, le droit de participer à la société et favoriser les actions de solidarité
Condition n° 13 : pouvoir recevoir de l’aide quelle que soit sa situation administrative
Toute personne exilée doit pouvoir recevoir l’assistance apportée volontairement par les citoyen
ne s et les associations, qu’elle prenne la forme d’un soutien juridique, matériel ou moral.
Condition n° 14 : assurer le droit des personnes exilées à participer à la société
Le dispositif d’accueil des personnes en demande d’asile et des réfugié
e s doit favoriser leur participation à la vie locale et à la société dans son ensemble. Il doit favoriser la création de liens sociaux, culturels, sportifs, etc. Le parcours des demandeurs et demandeuses d’asile en France, ponctué de ruptures et marqué par l’isolement géographique de certains lieux d’accueil, doit être repensé sous cet angle.
Condition n° 15 : favoriser l’émergence d’une société accueillante et solidaire des personnes exilées
Les actions de solidarité en faveur des personnes exilées doivent être soutenues et encouragées. À ce titre, les différentes méthodes d’intimidation à l’encontre des soutiens aux personnes exilées, depuis les interdictions imposées aux citoyen
ne s souhaitant subvenir aux besoins essentiels des personnes migrantes jusqu’aux condamnations de personnes solidaires au prétexte de différents délits, doivent cesser. Les mobilisations de la société civile ne sauraient être instrumentalisées