10 conditions minimales pourque l’asile soit un droit réel (mai 2007)

En octobre 2001, la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) a rendu publiques « dix conditions minimales pour un réel droit d’asile ». Depuis cette date, le droit d’asile en France a été profondément remanié, tant au niveau des procédures que des conditions d’accueil. A travers la politique européenne d’asile qui se met en place, les États membres de l’Union européenne multiplient les initiatives visant à diminuer le nombre de demandes d’asile présentées sur leur territoire.

Six ans après leur déclaration, les associations de la CFDA affirment que les mesures de contrôle des flux migratoires et le climat de suspicion entretenu à l’encontre des demandeurs d’asile sont les causes principales tant de la baisse du nombre de demandeurs d’asile et de réfugiés dans les pays industrialisés que de l’augmentation du nombre de ces demandeurs dans des pays de transit, notamment en Afrique du Nord, et de personnes déplacées dans leurs propres pays.

Réaffirmant leur attachement au droit d’asile comme droit fondamental et à la Convention de Genève comme socle du droit pour le statut des réfugiés, les associations de la CFDA ont actualisé leur plateforme et présentent dix propositions pour que l’asile soit un droit réel.

La protection des personnes menacées ou persécutées doit être la priorité de toute politique d’asile.

Permettre aux demandeurs d’asile de voir leur demande examinée en France

1. Le principe de non refoulement garanti par l’article 33 de la Convention de Genève de 1951 doit être respecté pour toute personne en quête de protection

La gestion des frontières extérieures de l’Union européenne doit s’effectuer dans le plein respect des droits humains et du droit d’asile et en toute transparence, notamment par la formation appropriée des gardes frontières de l’agence européenne des frontières (FRONTEX) créée en 2005 et des personnels d’ambassades ou d’entreprises de transport. D’autre part, les demandeurs d’asile doivent être exclus explicitement de la mise en œuvre des accords de réadmission tant qu’une décision définitive n’a pas été rendue sur leur demande de protection.

2. Les États membres de l’Union européenne ne peuvent se dédouaner de leurs engagements internationaux en externalisant l’examen des demandes d’asile

Les mesures prétendant améliorer les conditions d’accueil des demandeurs d’asile et réfugiés dans un pays tiers, tels « les programmes de protection régionaux »,ne doivent pas faire obstacle au dépôt d’une demande d’asile sur le territoire de l’Union ; les garanties en matière de respect des droits de l’homme sont en effet souvent insuffisantes dans les pays de transit ou dans les zones proches des pays de départ. Introduite par la directive européenne sur les procédures d’asile, la notion de « pays tiers sûrs » permettant de déclarer irrecevables les demandes d’asile des personnes ayant transité par ces pays est à cet égard très dangereuse et ne doit pas être reprise dans la législation française.

3. Le choix du pays d’asile par le demandeur

Le système de responsabilisation d’un État membre de l’Union européenne pour l’examen d’une demande d’asile qui découle du règlement « Dublin II » doit être profondément revu : le principe doit être que la demande est examinée dans le pays du choix du demandeur. Le « système Dublin » s’avère en effet souvent injuste et inhumain, d’autant que le traitement des demandes reste inégalitaire entre les États membres. Par ailleurs, un mécanisme de solidarité devrait être créé pour venir en aide aux États membres en fonction du nombre de demandeurs d’asile accueillis.

4. Le principe d’admission au séjour provisoire des demandeurs d’asile doit être respecté

Tous les demandeurs d’asile doivent être admis à pénétrer et à séjourner sur le territoire et bénéficier d’un recours suspensif de toute mesure d’éloignement. La procédure prioritaire, qui ne permet pas aux demandeurs d’asile de déposer équitablement leur demande d’asile et de voir celle-ci convenablement examinée, doit être supprimée. La privation de liberté des demandeurs d’asile doit être proscrite.

Garantir les conditions pour un examen de qualité des demandes de protection

5. Une application pleine et entière de la Convention de Genève

Les organes de détermination doivent remplir leur mission en toute indépendance. La France et l’Union européenne doivent adopter une interprétation pleine et entière de la définition du réfugié de la Convention de Genève, notamment en ce qui concerne les violences faites aux femmes, l’orientation sexuelle, les victimes de la traite des êtres humains et plus généralement l’appartenance à un groupe social. La protection subsidiaire ne doit s’appliquer qu’aux demandes ne relevant pas du champ de la Convention de Genève et ne doit pas se substituer à celle-ci.

6- Une procédure d’asile simple et garantissant les droits du demandeur

A chaque étape de la procédure d’asile, le demandeur doit être entendu, et assisté d’un conseil et d’un interprète, que ce soit à la frontière ou sur le territoire, en première instance et en appel ; il doit avoir un accès systématique à tous les éléments de procédure (comptes-rendus, observations, sources des informations utilisées pour l’instruction...). En cas de refus d’enregistrement de la demande (délais, incomplétude), le demandeur doit être informé des possibilités de se faire accompagner dans ses démarches. En cas de rejet par la première instance, la décision doit être explicitement motivée et le recours suspensif. Les frais de procédure doivent être pris en charge par l’État (traduction de documents, frais de transport, aide juridictionnelle revalorisée). Toute mesure tendant à modifier la procédure d’asile doit être précédée d’une évaluation de l’existant, d’un échange avec les associations concernées et d’une étude pour prévenir les aspects négatifs pour les demandeurs et les risques de dysfonctionnement.

7. La prise en compte des risques encourus par les déboutés du droit d’asile en cas de retour dans leur pays

Certains demandeurs déboutés de l’asile se retrouvent dans une situation inextricable : ils craignent pour leur intégrité physique ou morale en cas de retour dans leur pays et l’administration française ne veut ou ne peut les éloigner du territoire. Elle a donc l’obligation de les protéger en leur reconnaissant un statut légal. Leurs demandes doivent être réexaminées ou leurs situations régularisées, notamment au regard du respect de leurs droits fondamentaux.

Garantir les droits des demandeurs d’asile et des personnes bénéficiaires d’une protection

8- Des conditions de vie digne pour les demandeurs d’asile

L’autonomie des personnes doit être garantie pendant la procédure : le droit au travail doit être réel et l’accès à la formation professionnelle et à l’apprentissage de la langue doit être immédiat. Les aides financières et l’accès à l’assurance maladie doivent être assurées pour tous les demandeurs d’asile. Elles doivent être versées dès la première démarche de demande d’asile et pendant toute la procédure, être d’un niveau respectant la dignité de chaque personne et permettre de vivre dignement (au moins équivalentes au RMI avec prise en compte de la composition familiale et du mode d’hébergement).

9- Le maintien de la liberté de choix pour l’hébergement

Le système français d’hébergement pour les demandeurs d’asile, caractérisé par la liberté de choix du mode d’hébergement (soit individuel, soit collectif en Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA)), doit être maintenu. Pour que ce choix soit réel pour tous les demandeurs, un accompagnement spécifique doit être garanti et doit être accessible dans chaque département, y compris outre mer. Les CADA ne doivent pas devenir des lieux obligatoires de résidence.

10- Le respect des droits des personnes protégées

L’insertion des réfugiés statutaires et des bénéficiaires de la protection subsidiaire doit être soutenue par des mesures adaptées en ce qui concerne le logement et l’emploi (reconnaissance des diplômes et de l’acquis professionnel dans le pays d’origine). La procédure de rapprochement de famille doit être simplifiée et instruite en moins de quatre mois. Les bénéficiaires de la protection subsidiaire doivent pouvoir jouir des mêmes droits que les réfugiés,en particulier en matière d’accès aux prestations sociales ou de rapprochement de famille.