Le 9 février, Nicolas Sarkozy a présenté son projet de loi sur l’immigration et l’intégration (PLII) au Comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI). Ce texte vise à restreindre la possibilité de régularisation au titre du droit de vivre en famille et à promouvoir une immigration « choisie » sur des critères d’employabilité mais il concerne aussi les demandes d’asile considérées par le ministre comme « anormalement élevées ». Le projet prévoit notamment une refonte du dispositif des Centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) dans un esprit de plus grand contrôle des demandeurs et de suspicion vis à vis des centres qui les accueillent.
Le projet de loi sépare les CADA des autres centres d’hébergement et de réinsertion sociale. Dans les CADA, seuls seraient admis les demandeurs d’asile en cours d’instruction à l’OFPRA et à la Commission des recours des réfugiés et munis de titre de séjour alors que près d’un tiers des demandeurs en sont privés, parce qu’ils sont traités en « procédure prioritaire » ou en attente de transfert vers un autre pays de l’Union européenne. Contraire au principe de l’inconditionnalité de l’accueil, cette distinction n’est en outre pas conforme avec les normes européennes en la matière .
Le dispositif national d’accueil serait placé sous le contrôle accru de l’Etat : l’admission dans les centres serait de la compétence principale des préfets, qui pourraient retirer l’habilitation des centres qui ne procéderaient pas à la sortie rapide des demandeurs ayant obtenu le statut de réfugié vers un droit commun aujourd’hui inaccessible et surtout des déboutés, promis à un retour volontaire (aide au retour) ou forcé (reconduite à la frontière). La « gestion » du dispositif, confiée à l’ANAEM, se ferait par le biais d’un système d’informations que les responsables des centres seraient tenus d’alimenter par la transmission des données relatives à la situation administrative des personnes accueillies et à l’occupation des places dans leur CADA.
Le projet de loi permet la gestion de CADA par des personnes morales privées ou publics, à but lucratif ou non. La CFDA s’inquiète d’une possible gestion par des sociétés commerciales, qui comme c’est le cas en Autriche, risquent de faire peu de cas de la dignité et des droits des personnes.
Le projet de loi prévoit le maintien d’une liste nationale de pays d’origine « sûrs » à laquelle le ministre des Affaires étrangères veut déjà ajouter quatre ou cinq pays. La CFDA rappelle son opposition au concept même de pays « sûr » et à l’utilisation d’une telle liste qui supposent une discrimination entre réfugiés en raison de leur nationalité interdite par la Convention de Genève et oriente les demandeurs de ces pays vers la procédure « prioritaire », sans garanties suffisantes ni aucune aide sociale.
Simultanément, contre l’avis du Président de la Commission des recours, des avocats et des associations, le gouvernement a transmis au Conseil d’Etat un projet de décret réduisant le délai de recours devant la Commission à quinze jours. Alors que l’aide juridictionnelle est limitée aux seules personnes entrées régulièrement en France et que les conditions d’accueil sont toujours critiques pour nombre de demandeurs d’asile, un délai aussi court sera un obstacle supplémentaire. Il multipliera, en raison des risques de dépassement de délai ou de requêtes insuffisamment motivées, le nombre de demandeurs déboutés « par ordonnance », sans possibilité de se faire entendre par la Commission de recours.
La CFDA demande le retrait de ces projets de dispositions législatives ou réglementaires qui interdiront un accueil digne des demandeurs d’asile et des réfugiés, clé d’une procédure équitable et conforme à la convention de Genève. Le droit d’asile n’est ni une « immigration subie », ni une composante de la gestion des flux migratoires. C’est un droit fondamental dont rien ne peut justifier la négation.
Premiers signataires : ACAT, AISF, APSR, CASP, CIMADE, COMEDE, ELENA, FASTI, GISTI, LDH, MRAP, PRIMO LEVI, SNPM.