Droit d’asile : il n’existe pas de pays « sûr »

La Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) s’est adressée au Président du Conseil d’administration de l’OFPRA le 8 avril pour s’inquiéter vivement du prochain établissement par le Conseil d’une liste de pays d’origine « sûrs » permettant de refuser « l’admission en France d’un étranger qui demande à bénéficier de l’asile ». La CFDA a demandé que lui soit communiquée, pour chaque pays qui pourrait être désigné comme « sûr », la décision d’inscription sur la liste ainsi que les motivations qui auront conduit à une telle décision.

Les premiers éléments circulant sur une telle liste, notamment dans la presse, font craindre l’inscription de pays déstabilisés par une crise interne, comme le Sénégal avec la région de Casamance, de pays qui conservent et / ou appliquent la peine de mort, comme le Bénin, le Ghana, le Mali ou la Mongalie, ou encore de pays où les mutilations génitales féminines continuent d’être pratiquées même si des efforts sont faits pour faire disparaître ces pratiques, comme le Ghana, le Mali, ou le Bénin. La protection internationale ne doit pas être refusée au seul motif que les autorités d’un pays s’efforcent de protéger leurs ressortissants contre ces persécutions.

La CFDA trouve très regrettable l’absence de transparence qui préside à l’établissement d’une liste française de « pays sûrs ». Compte tenu de l’importance des conséquences de cette décision, la CFDA regrette la précipitation et la non prise en compte des mises en gardes répétées des associations et du HCR. A tout le moins, il nous semble que toute la documentation pertinente (rapports enquêtes..) devrait être portée suffisamment à temps à la connaissance de tous les membres du Conseil d’administration, afin d’éclairer leur jugement avant la décision.

La CFDA s’étonne que la France soit en mesure d’établir une liste de pays d’origine « sûrs » alors que depuis de longs mois les Etats membres de l’Union européenne échouent à mettre au point une liste commune. Au-delà des contraintes inhérentes à toute négociation diplomatique, cet échec est significatif de la difficulté à définir le caractère « sûr » d’un pays. Selon certains, des pays comme les Etats-Unis et le Japon ne doivent pas figurer sur la liste parce la peine de mort y est pratiquée. Pour la France, le Mali est « sûr » mais pas pour l’Allemagne en raison de la pratique continue des mutilations génitales. L’Espagne, quant à elle, demandait le retrait de la liste de tous les pays d’Amérique Latine, afin de ne pas avoir à justifier que certains, et pas d’autres, y soient inscrits.

La CFDA rappelle qu’elle est opposée au concept même de pays « sûr », tout comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH). L’utilisation d’une telle liste suppose nécessairement une discrimination entre réfugiés en raison de leur nationalité, discrimination interdite par l’article 3 de la convention de Genève de 1951, et expose les demandeurs venant de pays considérés comme « sûrs » à être confrontées à des présomptions déraisonnables à l’encontre de la validité de leur demande, dans le cadre d’une procédure sans garanties suffisantes ni aucune aide sociale.

13 avril 2005