Avant même l’adoption définitive de la loi qui réforme le droit d’asile, le ministre de l’Intérieur tenterait-il de prendre le contrôle de la politique d’asile ? Tout laisse à le craindre : Quelques mois après la nomination du nouveau directeur de l’OFPRA en février 2003, le Bulletin quotidien du ministère de l’Intérieur de juillet annonçait l’arrivée prochaine d’un préfet : « directeur à l’Office, chargé auprès du directeur actuel, de mettre en place le projet de loi relative au droit d’asile ». Ce préfet, M. Fitoussi, est arrivé en catimini début septembre, ses fonctions ne sont pas définies par un cadre réglementaire : il n’a pas de rôle officiel, ni de délégation de signature mais il assure de facto des fonctions de direction … auprès du directeur en titre.
Depuis 50 ans, le directeur de l’OFPRA est nommé par le ministre des Affaires étrangères. Le choix de cette tutelle n’est pas sans signification, ni potentiellement sans effet, même si l’on observe de plus en plus que la politique d’asile, en France comme en Europe, répond souvent à des soucis dits de « contrôle des flux migratoires ». Mais la nomination d’un préfet à l’OFPRA concrétise les risques de confusion entre d’une part la protection des réfugiés et, d’autre part, les missions de police, de maintien de l’ordre public et de contrôle des flux migratoires. Lors d’une réunion à laquelle participaient les associations membres de la CFDA à l’OFPRA le 19 septembre en présence de M. Fitoussi, le directeur de l’OFPRA a lui-même évoqué ces risques.
Simultanément, et de manière tout aussi discrète, un autre préfet a été nommé aux côtés de Nicolas Sarkozy pour coordonner des questions interministérielles relatives à l’asile en vue de préparer l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.
Ces nominations réduisent à néant les propos rassurants tenus au mois de juin par le ministre des Affaires étrangères qui affirmait que « l’indépendance et le devoir d’asile sont au cœur de [l’OFPRA et de la Commission des recours des réfugiés]. C’est leur métier et leur fierté depuis cinquante ans et il n’est pas question de revenir là-dessus ».
Depuis l’annonce de la réforme du droit d’asile en septembre 2002, les ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères s’affrontent pour le contrôle futur sur l’OFPRA. En janvier 2003, un document transmis à la CFDA envisageait le transfert de la tutelle au ministère de l’Intérieur. Le projet de loi débattu en première lecture à l’Assemblée nationale en juin abandonnait cette idée.
Toutefois, lors des débats parlementaires, Nicolas Sarkozy a affirmé que « le volant d’immigration est entièrement alimenté par des flux que nous subissons, comme le regroupement familial et les demandeurs d’ « asile ». (…) En tout état de cause, ce n’est pas une immigration choisie, revendiquée, pensée. ». La pratique ultra restrictive de son ministère dans les procédures d’asile à la frontière (3% d’admis en avril 2003) et d’asile territorial (2% d’accord en 2002) qui relève de sa compétence, est l’illustration de cette interprétation du droit d’asile que les nominations récentes confirment.
La CFDA a fait part dès le 15 septembre au Premier ministre, dont elle attend les explications, de ses vives inquiétudes à propos des ces nominations discrètes. Elle demande à nouveau que l’OFPRA soit doté d’une réelle indépendance afin d’assurer l’application des conventions internationales de protection des réfugiés.