Parce qu’un état de fait inacceptable s’est créé et se prolonge sur le sol de notre pays, à Sangatte ;
Parce que ce sont nos associations, et en premier lieu la Croix-Rouge, qui sont confrontées à une situation toujours plus préoccupante, et même dramatique puisque des vies humaines sont quotidiennement mises en jeu ;
Parce que nous avons toutes raisons de craindre que de nouveaux lieux “ type Sangatte ” se multiplient sur le sol européen ou à ses frontières ;
La Coordination Française pour le Droit d’Asile entend aujourd’hui interpeller, à la veille du Sommet européen de Séville, ceux qui ont le pouvoir de mettre fin à cette situation intolérable.
Ne faisons pas porter à ceux qui les subissent les responsabilités des Etats eux-mêmes. Victimes des mafias, aussi bien que des politiques européennes restrictives, celles et ceux qui se succèdent depuis bientôt trois ans à Sangatte viennent pour l’immense majorité de pays dont la situation interne justifie qu’ils soient fondés à demander la protection d’un Etat, telle que prévue par la Convention de Genève. Qu’il s’agisse de Vietnamiens, d’Iraniens, de Roms d’Europe de l’Est, de Rwandais ou de Kosovars, pour ne citer que quelques cas, ils ont le droit de trouver accueil et protection.
La France a sa part de responsabilité. Certes, elle se refuse à renvoyer des personnes dans leurs pays d’origine ou de premier passage, respectueuse en cela de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme. Mais sa politique d’asile et d’accueil, par le manque d’information, par les interminables délais d’instruction des demandes, par la pénurie d’hébergement, par le refus du droit au travail, semble avant tout conçue pour dissuader les réfugiés potentiels, poussés dès lors à aller tenter leur chance ailleurs.
La Grande-Bretagne a sa part de responsabilité, en interdisant aux réfugiés – qui parviennent malgré tout souvent à leurs fins, mais à quel prix ? – de rentrer sur son territoire pour y déposer une demande d’asile. En ne s’associant qu’aux mesures les plus restrictives, au sein du dispositif européen d’immigration et d’asile qui se met en place, la Grande Bretagne contribue à la pérennisation de Sangatte.
Au-delà, c’est l’Union européenne dans son ensemble qui est responsable de ce qui se passe aujourd’hui, et de l’actualité dramatique du centre de Sangatte. Entre l’hypocrisie des Etats par lesquels transitent les réfugiés avant d’arriver aux portes de la Grande-Bretagne, et la priorité donnée dans les travaux européens à l’harmonisation répressive en matière de sécurité, de police et de justice, toutes les conditions sont réunies pour que le phénomène “ Sangatte ” se développe, notamment aux frontières de l’Europe. La situation qui prévaut à Sangatte est ainsi révélatrice tant des manquements graves au droit d’asile que de l’urgence pour l’Europe de se doter de règles saines en la matière.
C’est pourquoi la Coordination Française pour le Droit d’Asile, rappelant qu’elle a adressé aux pouvoirs publics, en octobre 2001, “ 10 Conditions minimales pour un réel droit d’asile ”, réclame :
- qu’en France, dans l’attente de la transposition de la directive européenne sur les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, des mesures soient prises pour améliorer ces conditions, principalement avec le retour du droit au travail et l’ouverture de structures d’hébergement à la hauteur des besoins ;
- que la Grande-Bretagne cesse de participer de façon sélective à la politique européenne d’asile et d immigration ;
- que l’Union européenne adopte des règles simples en matière de procédures de demandes d’asile, qui permettent à toutes les personnes désireuses de réclamer la protection de la Convention de Genève de déposer leur demande dans n’importe quel pays de l’Union, et de circuler librement ensuite à travers le territoire de l’Union en attendant que soit examinée leur demande.
Quant au centre de Sangatte, en attendant que soient réunies les conditions permettant sa fermeture, il doit être doté de moyens lui permettant un accueil plus respectueux des droits des personnes.
Toute autre politique, qui privilégierait la répression et l’accroissement des mesures de police et de sécurité au détriment des droits fondamentaux et du droit d’asile conduirait à l’échec de la politique européenne et à de nouveaux drames.
Sont signataires les associations suivantes, membres de la CFDA :
ACAT – Amnesty International, section française – APSR – AVRE – CASP – Cimade - Comede – Forum Réfugiés, GAS – Gisti – Ligue des Droits de l’Homme – MRAP – association Primo Levi – Secours Catholique – SNPM – SSAE.
La Coordination française pour le droit d’asile rassemble les organisations suivantes :
ACAT (Association des chrétiens contre la torture), Amnesty International - section française, APSR (Association d’accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France), AVRE (Association pour les victimes de la répression en exil), CAEIR (Comité d’aide exceptionnelle aux intellectuels réfugiés), CASP (Centre d’action sociale protestant), Cimade (Service oecuménique d’entraide), Comede (Comité médical pour les exilés), Croix Rouge Française, Forum Réfugiés, FTDA (France Terre d’Asile), GAS (Groupe accueil solidarité), GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), LDH (Ligue des droits de l’homme), MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), Association Primo Levi, Secours Catholique (Caritas France), SNPM (Service National de la Pastorale des Migrants), SSAE (Service social d’aide aux émigrants). La délégation française du Haut Commissariat pour les Réfugiés est associée aux travaux de la CDA.