Projet de Loi de finances 2012

Remettre l’accueil et la protection des demandeurs au cœur du budget alloué à l’asile

Le Sénat a refusé d’adopter les budgets consacrés à l’asile sur les programmes n°303 « immigration et asile » lors du vote du projet de loi de finances pour 2012.

Malgré l’apparente augmentation budgétaire, il pointe la sous-évaluation des crédits qui ne permet pas à la France de satisfaire à ses obligations internationale et communautaire d’accueillir dans des conditions dignes les demandeurs en d’asile. La Commission des lois du Sénat avait émis un avis défavorable en soulignant le recours excessif aux procédures « prioritaires » qui privent en pratique les demandeurs de droits économiques et sociaux, et l’inadaptation des réponses apportées face à la crise du dispositif national d’accueil (DNA) et la saturation des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) [1].

En effet, en 2011, les 21 700 places de CADA ne permettent d’y héberger qu’à peine 13.000 demandeurs car la procédure d’asile atteint souvent 2 à 3 ans : sur les 11 premiers mois de 2011, l’OFPRA avait enregistré 36.800 premières demandes d’asile.

L’impossibilité, pour ceux qui le souhaitent, d’accéder à un hébergement dédié aux demandeurs d’asile leur offrant un accompagnement dans leurs démarches, crée une précarité à la fois sociale et juridique. Elle introduit une inégalité entre ceux hébergés dans des structures adaptées, ceux contraints à l’hébergement d’urgence sans stabilité ni accompagnement social et juridique, ou encore ceux réduits à vivre dans la rue.

Pour les demandeurs hors des CADA, l’allocation temporaire d’attente (ATA) de 10,83 € par jour est insuffisante pour assurer les besoins fondamentaux, comme l’a d’ailleurs jugé le Conseil d’Etat à plusieurs reprises. Cette allocation de survie doit être alignée sur le niveau du Revenu de Solidarité Active (RSA). En attendant d’être hébergés, il est important que tous les demandeurs d’asile soient domiciliés et accompagnés. Or l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) compte financer des plateformes auxquels tous les demandeurs ne seraient pas éligibles et qui ne prévoiraient qu’une orientation en lieu et place d’un véritable accompagnement. Il est donc nécessaire de continuer de financer des dispositifs complémentaires sur le programme 303. C’était le cas jusqu’alors avec la ligne « centre d’accueil des victimes de torture » qui a disparu dans le projet 2012.

Tous ces dispositifs d’attente ne sauraient remplacer l’hébergement de l’ensemble des demandeurs d’asile. En n’y répondant que partiellement, l’Etat crée une inégalité de traitement dans l’accès inconditionnel à l’hébergement. Dès lors, l’Etat n’est pas fondé à conditionner un droit (l’accès à l’ATA) à la demande d’un droit préalable inégalement appliqué.

Le choix budgétaire de ne pas créer de places supplémentaires en CADA a un coût humain. L’hébergement d’urgence, à la fois inadapté et coûteux, ne permet pas aux demandeurs d’exercer effectivement le droit d’asile. L’adoption du budget consacré à l’asile dans le cadre de la Loi de finances 2012 est l’occasion de replacer l’accueil et la protection au cœur du dispositif d’asile. Outre ses recommandations précédentes, la CFDA recommande d’affecter les finances nécessaires à la création de places suffisantes en CADA.

Elle rappelle ses recommandations diffusées le 17 octobre 2011 [2] pour remettre sur pied le dispositif d’accueil :

  • l’autonomie des demandeurs d’asile doit être garantie pendant la procédure : le droit au travail doit être réel et l’accès à la formation professionnelle et à l’apprentissage de la langue doit être immédiat. Cet accès au travail permettrait aux demandeurs de retrouver une dignité et de faciliter leur insertion, quelle que soit l’issue de leur procédure ;
  • à défaut, les aides financières doivent être versées dès la première démarche de demande d’asile et pendant toute la procédure, et être d’un niveau permettant de vivre dignement (au moins équivalentes au RSA avec prise en compte de la composition familiale et du mode d’hébergement) ;
  • le système français d’hébergement pour les demandeurs d’asile, caractérisé par la liberté de choix du mode d’hébergement (soit individuel, soit collectif en CADA), doit être rétabli. Pour que ce choix soit possible, il est nécessaire de créer rapidement de nouvelles places de CADA afin de loger ceux qui en ont cruellement besoin.

Notes

[1Avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur le projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée Nationale, 17 novembre 2011.

[2Lettre du 17 octobre 2011, Projet de Loi de finances 2012. Il faut mettre fin au « dés-accueil » des demandeurs d’asile.