Analyse du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile

La CFDA vient de publier son analyse du projet de loi sur l’asile. Le calendrier se précise car le projet sera examiné en commission le 26 novembre, puis les séances à l’assemblée nationale auront lieu les 9, 10 et 11 décembre.

Le ministère de l’intérieur présente au vote des parlementaires un vaste projet de réforme législative de l’asile. Ce projet répond à l’obligation de transposer les directives européennes « Accueil », « Procédures » et « Qualification » [1] d’ici juillet 2015 et à une nécessaire refonte d’un système que la CFDA a été la première à décrire « à bout de souffle » [2].

Plusieurs rapports parlementaires ont été rédigés en amont de cette réforme. Le premier est intervenu à la suite d’une concertation des divers acteurs de l’asile en France (administrations, opérateurs et associations) en 2013 [3]. Le second rapport a été rendu par le comité d’évaluation des politiques publiques d’accueil des demandeurs d’asile [4]. Les conclusions de ces rapports n’ont pas, dans leur majorité, répondu aux questions et aux attentes de nos organisations membres de la CFDA ; celles-ci n’ont eu de cesse de dénoncer tant l’esprit que les conséquences des mesures préconisées qui préfiguraient la réforme [5].

La CFDA s’inquiète du quasi consensus politique sur l’idée d’un système de l’asile qui aurait été « dévoyé », et que sauver l’asile en France ne pourrait se faire qu’en lui « redonnant son sens », c’est-à-dire en luttant contre les « fraudeurs » et les « faux » demandeurs d’asile.

La CFDA invite les parlementaires à se démarquer clairement de ce postulat et à repenser l’asile sur la base du droit à la protection et sur la confiance envers les demandeurs d’asile. Elle dénonce les risques d’une réforme assise sur une double idée reçue :

  1. Le considérant selon lequel l’asile serait dévoyé en France est fondé à tort sur la proportion de 80 % de demandes d’asile rejetées, comme si le rejet d’une demande d’asile était la preuve absolue de son caractère abusif. Or, ces rejets sont souvent le produit d’une interprétation contestable des textes relatifs au droit d’asile par les institutions. Ils sont aussi la conséquence des difficultés administratives, juridiques, matérielles, linguistiques, médicales et/ou psychologiques des demandeurs d’asile à exposer pleinement leurs craintes en cas de retour vers leurs pays d’origine.
  2. La « restauration du sens de l’asile en France » est conçue selon une vision binaire et réductrice. L’amélioration d’un système et de son efficacité ne doit pas nécessairement passer par la prise de mesures attentatoires aux droits des demandeurs. Il n’y a pas de « bons » et de « mauvais » demandeurs d’asile.

La CFDA rejette l’idée diffusée par le ministre de l’intérieur selon laquelle la réforme répondrait à un consensus issu de la concertation de tous les acteurs associatifs avec le gouvernement, en 2013. Au contraire, nous déplorons que les recommandations et les mises en garde, pourtant fondées sur une expérience de terrain, aient été si peu entendues par le ministre de l’intérieur. Nous refusons que le produit des riches échanges et des divergences de vues de la concertation soit gommé et réduit au plus petit dénominateur commun, source de contresens qui plus est.

S’il est vrai que la CFDA a dénoncé un système totalement inadapté et pointé notamment des besoins spécifiques d’amélioration du système dans l’intérêt exclusif des demandeurs d’asile, et même si certaines mesures de la réforme sont saluées, il ne peut en revanche en être déduit une adhésion au projet de loi présenté.

La CFDA réitère ses inquiétudes quant à un discours politique teinté d’humanisme mais qui masquerait mal une politique du chiffre inavouée et des préoccupations de gestion des flux.

Dans ce document d’analyse du « projet de loi relatif à la réforme de l’asile », la CFDA essaie de mettre en lumière les conséquences graves que certaines mesures pourraient avoir sur les demandeurs d’asile.

Le 23 octobre 2014

Notes

[1Directives 2013/33/UE établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale ; 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) ; 2011/95/UE du 13 décembre 2011concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

[2Communiqué, 13 février 2013, État des lieux du droit d’asile en France : un système d’accueil des demandeurs d’asile à bout de souffle et Rapport, 13 février 2013, Droit d’asile en France : conditions d’accueil - État des lieux 2012.

[3Rapport sur la réforme de l’asile, remis au ministre de l’intérieur le 28 novembre 2013, V. Létard et J-L. Touraine.

[4Assemblée nationale, Rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la politique d’accueil des demandeurs d’asile présenté par Mme Dubié et M. Richard, avril 2014.

[5Recommandations de la Coordination française pour le droit d’asile pour une réforme d’envergure, février 2014.